vendredi 7 septembre 2007

LES CLOWNS REVEURS, TETE D’AFFICHE D’UN FESTIVAL INTERNATIONAL… QUI N’A PAS EU LIEU.

OU COMMENT LE FESTIVAL ALTERNATIF DES BALEINEAUX REMPLACA LE TRADITIONNEL FESTIVAL DES GARGOTTES.


Nous sommes partis le 15 août, justement le jour de la fête des Maries (j’en profite pour embrasser tendrement les nombreuses Maries que je connais et que j’aime fort) pour l’île Sainte-Marie. À bord d’un des nombreux bateaux qui assurent la liaison Soanierana (littoral-est de la grande île de Madagascar) – Ambodifotra (principal village de Sainte-Marie), nous partons sur une des traversées les plus courtes (40 Km) et les plus dangereuses de l’histoire du pays. Les chavirements de nombreux bateaux ont défrayé la chronique, il y a quelques années. Depuis, les embarcations ont été un peu sécurisées… Cela dit nous sentons passer cette fameuse passe de Soanierana Ivongo, responsable de nombreux accidents, où les bateaux doivent surfer les grandes vagues qu’elle forme aussi bien à marée haute que basse.
Nous sentons dès notre arrivée, le parfum aigre-doux de cette île à nulle autre pareille, où se mêlent le meilleur et le pire, le beau et le laid, l’humanitaire du dimanche et le développement à long terme, la préservation et le massacre de l’environnement :

Peut-être est-ce parce que l’île est l’une des destinations incontournables de Madagascar - amenant ainsi un flot immense de touristes toute l’année (et spécialement à l’occasion du festival), peut-être aussi parce qu’elle offre un havre de paix et d’opportunisme économique, peut-être également parce que c’est la première fois que nous rencontrons autant de résidents vazahas qui peuvent nous peindre un portrait allant bien plus loin que la vision superficielle d’un touriste de passage, mais Sainte Marie, comme Mada, est loin d’être un endroit paradisiaque où les relations entre étrangers et malgaches sont des plus saines.
Pour ceux qui veulent une vision idyllique de Sainte Marie, vous pouvez consulter le guides de voyage. À coups sûrs, il n’y aura rien de ce que vous allez lire ici dans ce « petit lonely ragotard ».

Entre tirs dans les pattes et coups tordus dans le dos, il est vraiment difficile de s’implanter dans l’île tout en se faisant respecter et sans se faire arnaquer. Chose qui arrive indubitablement à un moment donné ou à un autre à qui veut s’installer ici.
Certains malgaches arrivistes n’hésitent pas à saboter le bateau d’un concurrent étranger, en lui mettant du sucre dans son réservoir par exemple - au moment même où le flot de touristes atteint son apogée - afin que ce dernier ne puisse pas faire la liaison quotidienne entre l’île et le continent. Ce malgache, qui a déjà le bateau le plus rapide et le plus cher de tous (mais aussi l’un des moins stables, il a déjà chaviré quatre fois sur la passe), veut s’imposer comme le numéro un des transporteurs de l’île. Il a même pour projet, question de couler tout le monde, d’ouvrir une liaison vers Foulpointe, importante station balnéaire entre Tamatave et Soanierana, grâce à un paquebot de luxe qui éviterait ainsi au touriste de faire une heure et demie supplémentaire de taxi brousse pour rejoindre l’île. Rusé non ?! Cependant, il risque de détruire une partie du récif coralien, du moins ce qu’il en reste, sans compter les conséquences écologiques qui résulteraient de ces traversées sur la vie maritime, mais cela est le cadet de ses soucis. Il viserait même le siège de maire en décembre prochain. S’il parvient à ses fins, l’île va certainement devenir beaucoup moins plaisante. Elle commence déjà à être bien défigurée par le tourisme, mais cela n’est rien comparé à ce qui l’attend si cet homme, Clevis, en prend le contrôle.
Il y a aussi un restaurateur malgache fort connu dans l’île, qui est prêt à dénoncer à la police celui qui critique le président de la république (pour ne pas dire la néo-dictature) Marc Ravalomanana. Vous êtes assis tranquillement en train de manger dans son restaurant, vous discutez politique, et hop peu de temps après vous vous retrouvez avec les flics en train de vous dire que votre visa ne vous sert plus à rien. Vous avez 48 heures pour quitter le pays ! Alors attention à ce que vous dites si vous allez chez « William Kid ».
Et puis il y a les gros naïfs de vazahas qui se font berner, exploiter, sucer leur argent jusqu’à la moelle et voir leurs bourses vides parce que de belles malgaches - attirantes et aguicheuses - leur ont vidé les bourses après les avoir pomper jusqu’au bout !
Elles attendent leur proie dès leur arrivée au port d’Ambodifotra. Elles scrutent la plupart du temps le quinquagénaire idéal, « le blanc en fin de course dont le monde blanc ne veut plus » comme le dit si bien Nicolas Fargues dans son excellent livre « Rade Terminus », celui qui arrivera avec deux chaises roulantes, synonyme d’un candidat potentiel pour obtenir des fonds « humanitaires ». En moins d’une demi-journée ce pataud, dont la charité chrétienne est aussi grande et pure que celle de sa prédatrice, se retrouve à s’envoyer en l’air (enfin !!) dans une chambre d’hôtel avant de dîner avec la famille de sa nouvelle petite amie. Cette dernière lui explique à quel point il faut aider les orphelins de son village à Maromandia, qu’ils meurent de faim ou que leurs oncles et tantes ne peuvent subvenir à leurs besoins. Pour cela, rien de plus simple. Il suffit d’envoyer des fonds afin de construire un centre d’accueil de jour, lequel sera situé dans sa maison qu’il faudrait entièrement refaire auparavant, avec un sol en dur, tout en bois, deux nouvelles pièces pour la salle à manger et le coin détente pour les enfants. Sans même y réfléchir, notre naïf se met à l’ouvrage immédiatement (le temps presse, il doit rentrer en France dans quelque temps), il y met de sa poche et grâce à ses contacts, la famille reçoit beaucoup, beaucoup d’argent…


Mais Emilienne, la grande sœur de cette fratrie de femmes qui tiennent le village de Maromandia d’une poigne de fer – la plus âgée étant fuketan (le chef de village), une autre directrice de la seule école du village, une autre étant l’institutrice principale – ne veut pas en rester là. Elle demande à sa petite sœur de renouer les liens avec Pascal, après avoir lâchement jeté ce dernier comme un kleenex une fois le restaurant et sa maison terminés. Il était de retour sur l’île pour l’été afin de voir les fruits de ces derniers mois d’investissements financiers.
Et le gros benêt, à croire qu’il aime ça, écoute attentivement les demandes que son ex-copine lui susurre à l’oreille pendant qu’elle le tient bien ferme entre ses cuisses.
Dès la rentrée scolaire, le centre aurait besoin de 150 euros pour pouvoir nourrir les 11 orphelins prévus. 150 euros, c’est l’équivalent de plus de six smics malgaches, c’est 13 euros par enfant par mois pour qu’ils mangent un bol de riz - avec un peu de viande à l’occasion – tous les midis. À ce prix-là, ça ne s’appelle pas de l’humanitaire mais de l’escroquerie, ou du détournement de fonds. Mais Pascal ne voit toujours rien venir. Il ne comprend pas non plus qu’il n’y a aucun enfant qui puisse mourir de faim à Sainte Marie (de malnutrition peut-être mais pas de faim) tout simplement parce qu’il y aura toujours quelqu’un pour s’occuper des enfants sans parents dans ces villages, un autre membre de la famille, un voisin, des amis du défunt. Mais surtout il ne réalise pas que ces prétendus orphelins, qu’il a vu de ses propres yeux, ne sont autre que les neveux et les nièces, sinon les enfants même, de sa copine ! Chapeaux bas mesdames !
En nous faisant visiter fièrement son centre, le CADOM (Centre d’Accueil et de Développement pour les Orphelins de Maromandia), qu’il aurait mieux fait d’appeler le CONDOM, ou CON D’HOMME, il nous déclare que les pauvres orphelins sont partis en vacances avec leur famille pour l’été mais dès la rentrée, le centre sera là pour les accueillir. En vacances ?? des villageois qui peuvent se payer des vacances d’été mais qui sont dans l’impossibilité de nourrir une bouche en plus tous les midis ?
Et lorsque nous lui demandons pourquoi il y a un lit dans la nouvelle salle à manger et pourquoi la table - où ils mangeront leur repas - a l’air de servir de bureau, il nous répond, encore bercé par ses illusions, que tout cela est provisoire. Quand il partira la semaine prochaine pour la France pour récolter les fonds, tout rentrera dans l’ordre car l’institutrice, son ex, se chargera de tout !!
Mais nous n’avons pas pitié de lui. Nous savons pertinemment ce qui se trame dans cet endroit. Laëtitia, qui était venue avec lui de France en tant qu’animatrice, nous a tout raconté. Pascal lui avait caché bien des choses, comme sa relation avec son ex, le restaurant… Elle se rendit compte très rapidement de la tournure malsaine qu’avaient pris les évènements et ne se berça plus d’illusions. Ce centre n’avait aucun avenir. Si Pascal ne dit rien au bailleur de fonds à son retour sur la dernière supercherie que ces femmes manigancent, c’est elle qui le fera. Il faut arrêter cela le plus rapidement possible. Elle, comme d’autres résidents connaissant bien la réputation de cette famille, avait tenté de raisonner Pascal, mais rien n’y fait. Volonté d’y croire jusqu’au bout malgré les avertissements ? Refus ou honte d’admettre un échec flagrant ? Ou pire, conscient de son échec, veut-il tout de même prouver sa valeur d’homme « blanc en fin de course dont le monde blanc ne veut plus » ? D’ailleurs, je ne comprends pas comment quelqu’un peut prétendre « faire de l’humanitaire » lorsque, d’un autre côté, il ose se plaindre que la musique (indienne) de notre spectacle soit une musique de « bouniouls » - alors que nous sommes, selon lui, censés représenter la France - et qu’on ne veuille pas servir de porc dans les petits-déjeuners d’Air France !

Cependant même si cette « aide humanitaire » ne se fait pas, la famille d’Emilienne trouvera toujours un pigeon blanc pour s’occuper d’eux. Ils n’en étaient pas à leur première entourloupe. Quelque temps plus tôt, lorsque leur restaurant « Le Rocher » fut créé - grâce à une de ses grosses entourloupes - des touristes français se firent également arnaqués de façon royale. Au cours du dîner Emilienne, avec toute son expérience, sa culture, son parfait français et son intelligence perfide, réussi à convaincre ces ophtalmologistes en vacances de financer cinq bungalows de luxe, avec panneaux solaires s’il vous plait, en échange du logement et de la restauration gratuite à chaque fois qu’ils viendraient en vacances dans son nouvel hôtel restaurant. Ne pouvant rester pour les travaux, ils signèrent des chèques à son nom et aucun contrat ne fut signé - cela ne se fait pas à Mada, sinon comment arnaquer les vazahas ?!!
Et les revoilà un an plus tard au « Rocher » avec leurs valises. Bizarrement, Emilienne n’a plus cette chaleur amicale ni cette voix mielleuse et ensorceleuse. Ils se retrouvent face à une Emilienne aussi froide que le béton de son restaurant et aussi sèche que les feuilles de palmiers recouvrant le toit de « leurs » chambres. « Je ne vous connais pas messieurs, si vous voulez rester, il va falloir payer ! »
Au jour d’aujourd’hui, elle est toujours en procès avec ses bailleurs de fonds mais ces derniers ont peu de chances de gagner. Elle est malgache, ils sont étrangers, pas de contrats, rien qui puissent prouver, sinon les chèques, qu’ils ont été roulés.
Une de ces autres « fabuleuses » arnaques consistait, grâce à sa liste de contacts étrangers - elle n’hésitait pas à prendre les coordonnées d’un « bon » client – à envoyer un mail à chacun d’entre eux pour leur annoncer que la maison de la grand-mère du village avait brûlé dans un terrible incendie. Il fallait donc très rapidement de l’argent pour pouvoir la reloger décemment. Sa lettre était si convaincante et sa liste de contacts aussi épaisse qu’un bottin, que de partout l’argent affluait… sur son compte en banque via Western Union. Certains, qui avaient connu cette grand-mère lors de leur passage à Sainte Marie, avaient contacté leur famille afin de faire une grosse cotisation. Et voilà qu’à leur retour sur l’île, ils se rendent compte du pot aux roses en voyant cette fameuse grande mère habitant toujours la même maison et qu’elle n’a jamais été au courant d’un quelconque incendie. Certains ont tenté de se faire rembourser en allant s’expliquer avec Emilienne, mais que peuvent-ils faire ? Une fois de plus, elle est chez elle, elle a beaucoup de pouvoir ici, elle connaît du monde et les ficelles pour ne pas se faire attraper.

Les résidents vazahas ne se font pas seulement avoir par les locaux mais aussi par leur propre structure ou institution. Tel est le cas des VP, les volontaires du progrès, ces jeunes de moins de 28 ans envoyés par l’ASVP et leur conseil régional en mission de co-développement. Durant leur formation, on tente de les formater à penser qu’ils sont les représentants de la France à l’étranger, que grâce à eux le pays où ils vont travailler avance dans le bon sens, qu’ils sont les émissaires de la coopération et du co-développement international, qu’ils sont là pour « proposer et non imposer » bla bla bla…
C’est seulement au bout d’un certain temps qu’ils s’aperçoivent qu’ils ne sont que des instruments de la diplomatie française - qui veille de près à ses intérêts géopolitiques et économiques sur la grande île - des marionnettes dont on se sert pour obtenir d’énormes subventions annuelles de la part de l’état, ou par nos impôts pour être plus précis, afin de pouvoir s’en mettre plein les poches.
C’est le cas de Michaël, le colocataire de Laurent - directeur de l’Alliance Française et également VP de la réunion – venu à Sainte Marie en mars dernier pour développer l’agriculture locale, afin de réduire les importations des produits alimentaires - venant principalement de Tana et Tamatave. Après 4 mois à attendre en vain les financements pour commencer son projet, à avancer de l’argent de ses propres poches, le conseil régional de la Réunion (sûrement les plus gros escrocs de tous) vient de lui faire comprendre qu’il n’aura rien avant janvier prochain. Raison invoquée : Revoir le mode de financement.
Cependant, c’est en septembre que commencent les semis et il n’a même pas reçu les semences que Kokopelli - association qui récolte, catalogue, produit et vend des semences ancestrales, bio et en voie de disparition – avait fait don à l’ASVP de Paris. Raison invoquée : sur les 30 employés parisiens, aucun n’était habilité à recevoir ce colis ou à l’envoyer à Madagascar !
Pire, le tiers du financement du projet prévu sur deux ans a été complètement jeté par la fenêtre en une semaine. Raison invoquée : l’expert, commandité par le Conseil Régional pour faire l’état des lieux à Sainte Marie, a estimé ses notes de frais à plus de 1500 euros durant les dix jours de son séjour. Ok la vie est une fois et demie plus chère qu’à Mada, mais il faut être extrêmement doué pour réussir à dépenser une telle somme en si peu de temps, surtout lorsqu’on est censé être toute la journée dans les champs et dormir officiellement dans une chambre à 15 euros ! Chercher l’erreur ! On ne compte même pas les 500 euros journaliers qu’il demande pour son expertise. Tout ça pour annoncer à la fin qu’il faudrait construire des serres pour faire de la culture hors sol et qui coûterait approximativement au petit paysan la bagatelle de 45000 euros ! Et qu’il lui en faudrait au moins deux pour pouvoir espérer se rentabiliser ! Donc cela veut dire crédit auprès des banques, endettement à vie et sûrement sur plusieurs générations ou exportation à très bas prix auprès des bailleurs de fonds étrangers. Un rêve de modèle occidental, surtout que cet expert sait pertinemment que ce projet n’est ni sain écologiquement ni viable économiquement. Pire encore, cet expert, forcément très proche des hauts placés au Conseil Régional de la Réunion, est envoyé ainsi partout sur les îles de l’Océan Indien, afin de faire des rapports bidons et d’enrichir ses poches et celles de ses amis. Et après on nous dit que les chômeurs et rmistes coûtent cher au contribuable !
Ce n’est qu’ensuite que le petit VP est envoyé pour mener à bien cette mission. Afin de justifier les sommes investies… et détournées au passage par les nombreux intermédiaires. Et s’il faut un bouc émissaire dans cette affaire, on pointera du doigt Michaël qui n’aura pas bien fait son travail. C’est à peu près là que nous avons laissé notre ami à notre départ de Sainte Marie.
Il n’est pas vraiment besoin de vous dire combien il n’avait plus le goût à rien, réalisant à quel point il était manipulé par ses supérieurs. Il avait commencé dès son arrivée le travail avec les agriculteurs locaux, leur promettant que si SON projet est accepté, ils auront sûrement un meilleur salaire à la fin du mois et une terre fertile pendant des générations. Il avait écrit un long rapport sur un projet plus pertinent, moins coûteux, viable et rentable à long terme. Mais ce rapport n’a jamais été amené jusqu’au bureau de son chef de projet, bloqué volontairement par celui qui servait de relais. Plus tard, il apprit que ses supérieurs étaient mécontents de lui, le soupçonnant de ne rien faire sur place, et attendaient toujours son rapport.
Et maintenant, il doit attendre que les financements soient morcelés afin de pouvoir financer, une fois de plus, la venue de l’expert en Janvier prochain. Et deux tiers de l’investissement qui part pour ce fraudeur !

Après ce répertoire un peu sombre, dressons maintenant un tableau plus joyeux :
Laurent, le directeur de l’alliance de Sainte Marie, nous accueille chaleureusement dans sa modeste petite alliance en bois, face à l’embarcadère. Il nous logera le temps de notre séjour dans sa grande maison où il vit en colocation avec Michaël. Nous apprécions de vivre en « communauté » pour un court moment, l’ambiance nous rappelle un peu la nôtre, de colocation, qui nous manque parfois, même souvent (clin d’œil et gros câlins aux José, Tisha, Yo, Ben, Olas, Sylvain et cie). D’autant que comme à la maison, s’ajoute à cette colocation, Laëtitia la copine de Michaël, Greg (VP et chef de chantier de la future alliance) et Brice (stagiaire lyonnais !). Ce qui nous faisait un total de 5 poilus et 2 nénettes. Tiens, tiens !!!
Petites bouffes sympas, apéros prolongés, cotisations pour courses, débats pour refaire le monde, jardin et compost, films au vidéo projecteur le soir tous ensemble… Tiens, tiens !!
Nous nous sommes rapidement sentis chez nous dans cette maison, tout comme nous nous sommes rapidement sentis proches et intimes de ses habitants.
Antoine était là aussi pour nous accueillir à notre arrivée. En effet, nous devions travailler en parallèle pour l’alliance et pour l’association Megaptera. Antoine est le responsable culturel de cette association qui travaille dans l’océan indien pour la protection des espèces marines en voie de disparition. Le but du projet étant que nous venions une semaine avant le festival de la Baleine afin de créer avec les enfants, un spectacle qui puisse parler de ces mammifères, de leurs mœurs et des problèmes liés à leur préservation. Un bien beau projet en théorie…
En pratique, c’en est une autre… A défaut de voir arriver des groupes préalablement constitués d’enfants de 7 à 14 ans ayant choisis de faire du théâtre, comme nous l’avions demandé, quelle ne fut pas notre surprise, le premier jour de stage, de voir se pointer de joyeuses mamans avec leurs jeunes rejetons, ravies qu’il y ai une garderie à l’alliance (j’exagère à peine). Nous nous retrouvons avec une bonne dizaine de petits de 3 à 7 ans. Difficile d’envisager la création d’un spectacle théâtral parlant d’environnement avec eux… Pas de liste, pas d’inscription,… Une joyeuse anarchie régnait sur l’alliance, entre Luis et moi qui tentions vainement d’y voir clair et d’organiser les choses sous un soleil de plomb (je me suis mis à lire des contes aux petits dans la bibliothèque pour les tenir un peu aux frais et pour permettre à Luis d’esquisser un semblant d’animation jonglage), et Laurent et Antoine qui tentaient de ramener plus d’enfants en allant les chercher en voiture et en les ramenant donc en milieu de matinée, en milieu d’activité… Merci les gars pour l’orga, nous avons perdu une journée ! Il faut dire pour leur défense, qu’on se trouve face à un éternel dilemme à Mada : soit on propose des activités payantes que seules les familles aisées pourront se payer (comme à Majunga) et les enfants seront présents, soit on les offre gratuitement et il devient alors très difficile d’avoir un groupe fixe et assidu. Laurent et Antoine tenaient à la gratuité, pour ne pas faire de sélection, c’était louable. Finalement le bordel s’est organisé dès le lendemain. J’ai fait de la danse avec les petits bouts pendant que Luis faisait du jonglage avec les grands et ensuite on faisait des acrobaties tous ensemble, les grands portant les plus jeunes, c’était très bien. Tant pis pour le projet théâtre qui est passé à la trappe, c’était le projet des adultes encore une fois, pas celui des enfants qui préféraient les acrobaties, nous n’avons pas insisté.
Le deuil du spectacle environnemental étant fait, les répétitions allaient bon train, nous nous tenions prêts pour le festival.
J- 4 toujours rien en vue, les locaux commencent à se poser des questions, des bruits courent… Normalement, les sponsors arrivent, installent leurs tentes, on monte des gargotes sur le stade autour de la scène. Cette année par contre, rien ne semble se préparer, le calme plat… Il faut préciser, que le festival de la baleine n’est pas organisé, comme on pourrait l’imaginer, par les habitants de l’île. Il s’agit d’un festival monté de toutes pièces, depuis plusieurs années, par Projetcom, une agence de pub de Tana. Il y a seulement sur Sainte Marie un petit comité, le FEBIS - comprenant les grands politiciens de l’île qui voient une bonne occasion de s’enrichir - ainsi que l’Alliance Française et Megaptera, pour amener - et légitimer - les seules activités culturelles du festival. Mais ce comité n’a pas de pouvoir sur l’organisation. Pour ses membres et Projetcom, la programmation n’est nullement un but en soit, mais plutôt un appât à touristes.
Nous apprendrons seulement la veille de l’inauguration - mais sans grande surprise - l’annulation officielle du festival. Nous apprendrons en même temps que la décision a été prise 2 mois au préalable à Tana, sans que les Saint-mariens en soient avisés. Seul le comité du FEBIS était au courant. C’est peut-être la raison pour laquelle l’AF et Megaptera n’étaient plus invités aux dernières réunions. La peur sans doute de voir la nouvelle se répandre trop tôt avant de pouvoir tenter de louer des stands fictifs aux hôteliers de l’île pour la modique somme de…500 euros !!! Ben voyons rien que ça !! Il va falloir en vendre des brochettes de zébu ou des T-shirts pour combler cette dépense.
Heureusement que ces voleurs ont des yeux bien plus gros que leur énorme ventre car presque aucun restaurateur ni commerçant n’a accepté de payer une telle somme.
Les éditions précédentes, il y avait des dizaines de gargotes dans l’enceinte du festival. Grâce à la location peu onéreuse de l’une d’entre elles – 30 euros – nombreux étaient ceux qui venaient vendre à manger et surtout à boire. Cependant, ces locations ne comblant pas les énormes déficits pour les organisateurs du festival, les grands chanteurs de l’île qui venaient jouer n’étaient jamais complètement payés.
Ne voulant pas retomber dans le panneau, les artistes invités cette année ont exigé une avance à Projetcom qui, n’ayant pas les ressources financières suffisantes, ont renvoyé la balle au FEBIS qui l’a renvoyé aussitôt à son expéditeur pour les mêmes raisons.
Pas d’argent donc pas d’artistes donc pas de festival. Par ailleurs, Projetcom découvre avec stupeur que le FEBIS décide cette année d’avoir le monopole des gargotes. 4 énormes stands doivent remplacer les dizaines des éditions antérieures. Jackpot assuré.
Sauf que ce comité de corrompus ne se soucie guère de savoir comment les recettes des locations de gargotes vont être comblées. 4 gargotes à 30 euros au lieu d’une centaine, qui va payer le manque à gagner ? sûrement pas le FEBIS. C’en est trop pour Projetcom, l’agence démissionne en juin sans que personne n’en sache rien, mis à part le FEBIS, qui se gardera bien de taire cette annonce jusqu’à la veille de l’ouverture officiel du festival pour faire venir les touristes et louer ces fameux emplacements fictifs. Quitte à être corrompu, avide et sans scrupules, autant l’être jusqu’au bout. Il est certain que les rares à avoir accepté l’offre de ces mafieux peuvent toujours rêver pour se faire rembourser.
Un scandale ! Et une belle publicité mensongère pour les touristes venus nombreux assister à ce « festival international » d’après les affiches dans les rues de Tana et les journaux nationaux. Du grand n’importe quoi.
Peu importe, nous maintenons, quant à nous, nos engagements. Le festival des baleines n’aura pas lieu, mais les enfants iront au bout du projet que nous rebaptisons festival des baleineaux. Nous jouerons 3 fois notre spectacle et celui des enfants (qui obtient encore une fois un grand succès), une artiste peintre viendra peindre une immense fresque marine, et l’expo et les jeux conçus par les animateurs de Megaptera auront lieu.
Et voilà comment nous sommes devenus, avec notre modeste duo de clowns, les têtes d’affiche d’un festival international !!! Mais comme nous faisons toujours partie du camp des doux rêveurs, plutôt que du camp des requins, nous apprenons en même temps que la peintre touche un cachet de 500 euros pour 3 matinées de travail, et que nous, nous toucherons 15 000 Ar par jour pour nous nourrir, ce qui nous mène pour 7 jours de répétition et 3 jours de représentations à un total de 150 000 Ar, soit environ 60 euros (chacun). Auquel s’ajoute le remboursement de l’aller-retour en bateau pour rejoindre Sainte-marie. On est sympas quand même !!!
Du coup, nous n’avons pas eu trop de remords à réclamer à Megaptera une sortie gratuite d’observation des baleines. Antoine, tout occupé à savourer les joies nocturnes, ne s’inquiétait plus guère de notre sort. Heureusement Seb et Cécile nous ont concocté une jolie petite escapade en mer. Nous avions 2 parfaits connaisseurs de la mer et de ses habitants pour nous tous seuls, le bonheur !
Après quelques problèmes mécaniques, qui nous ont d’ailleurs permis d’observer à la jumelle, un groupe de 5 mâles s’en donnant à cœur joie pour impressionner la femelle. Chacun y allant de son saut. Je n’ai pu retenir un cri d’admiration en voyant pour la première fois, un de ces monstres - de la taille d’un autobus - s’éjecter totalement hors de l’eau. C’est délirant ! Et, comme toutes les immensités naturelles, cela nous replace humblement à notre petit statut de simple être humain.
Une fois sur le bateau, le spectacle continue, nous suivons une heure durant, un groupe de 3 baleines, une femelle escortée de ses deux prétendants. Ils semblaient tous 3, danser à la surface de l’eau, selon une chorégraphie légère et sensuelle, se frôlant, se croisant, sortant régulièrement leur caudale en décalé ou synchronisé… Un spectacle magique ! Nous avons ensuite dû les laisser, car le temps d’observation près d’un groupe est limité à une heure, ensuite il est nécessaire de les rendre à leur intimité. C’est alors une mère et son baleineau que nous avons rencontré. Par chance pour nous (peut être pas pour la mère), c’est sur un petit turbulent que nous sommes tombés. Il n’a cessé pendant les 30 premières minutes de notre approche, de jouer au grand, en sautant, s’expulsant de l’eau le plus haut possible. Il était trop mignon, et très jeune, deux semaines environ d’après nos experts, car encore très clair (cf la photo où on le voit fièrement dressé devant sa mère). Pris d’une soudaine fatigue, il s’est ensuite allongé contre le flanc de sa mère pour une sieste. C’est là que nous l’avons laissé, il était l’heure de rentrer…



Et puis Sainte-Marie, c’était aussi… les bons petits plats de Jérémie « Au p’tit chez vous », sûrement une des meilleurs tables de tout Mada, les billards à la banane, et les karaoké de Laurent (qui peuvent être vraiment drôles après quelques rhums de Michel et un répertoire Renaud – Gainsbourg), les plages magnifiques de l’île aux nattes, les sandwichs de Sergio, et tant d’autres délices…





C’est l’âme en peine que nous avons dû reprendre la route, avec pour mission traverser le pays d’est en ouest pour rejoindre Morondava (à côté Lyon-Bordeaux c’est de la rigolade !). Pour se faire un bateau, 4 taxi-brousse, des dizaines d’heures de route, 3 jours et 3 nuits avec 2 haltes chez les amis.
Première halte à Tamatave, où nous rejoignons une bonne partie de l’équipe des profs de Tanambe (notre première mission, 2 mois dans la brousse, rappelez-vous c’était en mars), qui était rassemblé là pour un mariage. Fatigués de leur nuit festive et plus pudiques, ils laissent bien moins que nous transparaître le plaisir de se revoir. Nous sommes un peu surpris de leur distance, mais ravis d’avoir des nouvelles du village, de la maison, des enfants, de l’école…
Deuxième halte chez Karine, à Antirabe, beaucoup plus franche et chaleureuse celle-ci. Karine, en très peu de temps, est devenu quelqu’un de très proche de nous. Nous nous comprenons, nous parlons des mêmes choses et partageons les mêmes idées. Nous venons de la même planète, comme on dit ! C’est un petite nénette super chouette. J’ai même fait une drôle de rencontre chez elle : une de ses amies, venue avec un groupe d’ados parisiens pour faire un camp de vacances coopératif, a travaillé
il y a 7 ans dans la même école que moi, à Ciudad del Este, au Paraguay !!! On doit être à tout casser une trentaine sur la planète à avoir l’expérience d’avoir tenu bon dans cette ville cauchemardesque, il a fallu qu’on se retrouve à Mada. Le monde est une fois de plus, bien petit , et c’est toujours à son bout qu’on retrouve quelqu’un de très proche !!!

On a calculé aujourd’hui qu’on rentre dans 4 mois et demi, déjà !!! Alors, à tout près los amigos.

Milie & Luis.

P.S : Si vous vous ennuyez au travail, ou n’avez rien à faire chez vous, voici un petit jeu : Le qui écrit quoi ! Envoyez-nous vos réponses !
Ca va pas être facile pour les lecteurs qui ne nous connaissent pas. En même temps, il faudrait déjà qu’il y en ait…