dimanche 22 juillet 2007

Mahajanga, parc naturel, formation et spectacles, corruption et tourisme sexuel, tournée nationale.

Manaone Tompoko,

Bon, le Loulou en a marre de passer ses soirées à rédiger des articles que personne ne lit de toute façon (à part Fantouz, Lita, Cath et nos amis mahorais !), alors il me demande de prendre le relais. Grâce à mon esprit synthétique (a-t-il dit !), je devrais réussir à dire en quelques mots ce qu’il est advenu de nous à Mahajanga…

Mahajanga, la ville au nom qui sonne bien à l’oreille, où le plus gros baobab du pays (14 mètres de circonférence) sert de rond-point sur la corniche, ville au climat clément toute l’année, protégée des cyclones en été et où les températures restent douces en hiver… Bref, un petit coin de paradis où il fait bon vivre, voire même où l’on songerait volontiers à poser ses valises ! Mais, car il y a toujours un « mais », à partir de début juillet, elle devient la côte d’azur version malgache, le lieu de vacances des tananariviens (les parigos !), sans compter tous les vazahas, et perd drôlement de son charme !



À notre retour des Comores, nous avions 4 jours devant nous, avant le début des stages que nous animions, l’occasion de partir un peu à la découverte du pays (c’est-à-dire de visiter autre chose qu’un orphelinat, une école ou une alliance française !!!). Direction le parc national d’Ankarafantsika ! 2 jours très chers pour notre petit budget serré, mais un bon bain de nature ! Nous avons pu observer de nombreuses espèces de lémuriens (le grand acrobate noir et blanc Sifaka, le tout petit nocturne microcèbe, les lépilémurs qui dorment toute la journée enlacés dans les bras les uns des autres et le lémur brun), nous avons quelques bonnes vidéos d’ailleurs !


Il y avait aussi des centaines d’oiseaux et mon homme m’a initiée aux joies de l’ornithologie. Je sais maintenant reconnaître les couas (huppé ou de coquerel), le très rare martin-chasseur orange flamboyant et son cousin plus commun le martin-pêcheur, le majestueux gobe-mouche du paradis, les coucals juvéniles, les drongos, la huppe faciée, les ibis et les aigrettes noirs, les bihoreaux, les guêpiers tout verts et masqués et tant d’autres… C’était assez drôle de se retrouver à arpenter la forêt, armés de nos caméras, appareils photos, jumelles et lampes torches pour les nocturnes, sur la pointe des pieds, guettant le moindre bruissement de feuille, chuchotant pour se prévenir d’une nouvelle découverte, une très belle aventure. Nous avons pu aller visiter aussi l’élevage des tortues à soc et tortues d’eau à queue plate, deux espèces menacées d’extinction, élevées pour la reproduction, puis relâchées ensuite dans leur milieu naturel. C’était chouette pour nous de les voir en chair et en carapace, car Gerald Durrell leur consacre tout un chapitre dans son livre « le Aye-Aye et moi » que nous avions dévoré quelques semaines plus tôt. Nous avons aussi pu rendre hommage à 3 majestueux baobabs, endémiques et derniers représentants de leur espèce. En effet, leur histoire est terrible et magnifique : ces baobabs sont dépendants d’une espèce spécifique d’oiseau qui mange leurs graines, les digèrent et les redonnent à la nature à travers leurs excréments. Le passage dans le système digestif de l’oiseau est nécessaire à la germination de la graine. L’oiseau ayant disparu depuis 500 ans, ces baobabs ne peuvent se reproduire. Des scientifiques ont tenté l’expérience avec d’autres espèces d’oiseaux cousines, en vain, c’était celui-là et pas un autre ! La nature n’a pas fini de nous étonner.




Et puis il y eu aussi le caméléon rhinocéros, avec sa tête de clown (son profil ressemblant étrangement à celui de mon cher et tendre, cf. la photo) et de nombreux serpents, dont un, qui n’a rien trouvé de mieux à faire que de venir ramper sur mes petits pieds dénudés (et oui, c’était pas en rando, mais vers la tente, ils m’attaquent quand je suis en tong, les malins !). J’ai poussé un cri qui a fait tremblé toute la forêt et mourir de rire Luis, le reptile quant à lui, s’est enfui sans me faire le moindre mal, plus terrorisé que moi-même !!!

Ensuite à Mahajanga, eh bien, le boulot à l’alliance française, il faut bien gagner son hébergement et ses repas de clowns ! J’ai commencé à animer un stage de danse avec les petits bouts de 4 à 12 ans, un groupe super sympa, qui me couvrait de câlins à chaque début, chaque pause, ou chaque fin de cours. J’ai aussi co-animé un atelier théâtre avec Hanitra, enseignante malgache qui débutait et avait besoin de soutien. Luis a animé un stage jonglage-acrobaties, avec très peu d’inscrits malheureusement ! Les parents ont peur de la nouveauté, ils n’ont pas osé inscrire leurs petits. Ils sont aussi victimes de la psychose qui règne en ce moment à Mahajanga, nourrie par les médias en mal de sensations fortes. Il y aurait de nombreux enlèvements d’enfants, certains corps auraient été retrouvés mutilés, découpés en petits morceaux, on n’arrive pas très bien à mesurer la part de réalité dans tout cela. Le résultat certain, c’est que les parents cloîtrent leurs enfants à la maison… Nous animions aussi ensemble, en fin d’après-midi, soit des jeux collectifs, soit la chorale, en alternance, un jour sur deux. L’occasion de nombreux fous rires et de cris avec notre bande de mômes, au désespoir des profs de français de l’alliance qui avaient bien du mal à capter l’attention de leurs élèves. L’occasion aussi de mettre en pratique la troisième voix du chant « Aoué » (merci Emma et les colocs !) que nous avons appris au téléphone ! Le stage s’est magnifiquement clôturé par une représentation à l’alliance des enfants et des clowns, sur le front de mer, au soleil couchant, s’il vous plait !

Ses stages nous occupaient tous les après-midi, nous avons donc mis à profit nos matinées pour proposer le spectacle à qui en voulait (ONG, assos diverses…). Les réponses sont restées frileuses alors que nous proposions spectacle et animation parachute gratuits, l’immobilisme malgache ! « Ah bien, on ne sait pas, nous n’avons plus d’électricité, faut louer un groupe électrogène, faut faire de la publicité, faut organiser, oh lala quelle histoire !!! » alors que les petits malgaches n’auront sans doute plus jamais l’occasion de voir un spectacle de clowns ! Même la Maison de la Culture a l’électricité coupée depuis 4 mois ! Ils n’ont pas payé les factures, du coup les artistes qui souhaitent se produire doivent fournir leur groupe électrogène ! Autant dire, qu’il ne se passe plus grand chose de culturel dans cette maison ! De plus, la psychose des enfants enlevés n’a pas joué en notre faveur, une asso nous a avoué qu’ils avaient peur que l’on enferme les enfants dans la salle de spectacle pour les massacrer ensuite. Luis et Milie, découpeurs d’enfants, on aura tout vu !!! Du coup, nous n’avons eu que deux matinées d’intervention, dans deux courageuses structures, qui ont osé prendre le risque de nous inviter ! L’association « enfants du monde » qui accueille des enfants des rues assez difficiles (le spectacle s’est bien déroulé mais le parachute s’est terminé par une bagarre), et la maison de quartier Manga où nous avons passé une superbe matinée (Luis a dû animer presque 2 heures de parachute avec les enfants, devant tous les adultes ébahis du quartier).

Nous avons aussi profité du week-end que nous avions entre les 2 semaines d’intervention pour nous rendre à Katsepy, petit village qui fait face à Mahajanga de l’autre côté de la baie. Au programme, petite ballade amoureuse sur les plages désertes le samedi et représentation du spectacle le dimanche… HUMMM !!! À l’arrivée, tout autre chose évidemment…



Moi qui espérais une baignade crapuleuse ou une sieste coquine sur la plage… Que nenni ! L’eau était boueuse et pleine de méduses. Elle ne donnait pas même envie d’y tremper le petit orteil (nous étions dans une baie et non pas faces à l’océan) et les plages visitées par de nombreux promeneurs ! Nous sommes alors partis à la conquête du cirque rouge, dont Marion (la directrice adjointe de l’alliance), nous avait indiqué l’emplacement, arpentant des kilomètres de sentiers broussailleux, rebroussant chemin, croisant zébus et lézards, sous un soleil de plomb ! Évidemment, nous n’avons jamais trouvé le soi-disant cirque rouge, nous apprendrons plus tard que nous avions oublié un détail essentiel : le cirque n’est accessible qu’à marée basse et nous l’avons cherché à marée haute, ce qui explique qu’une falaise nous barrait la route ! Quelle équipe de winners les 2 là !






Pour le spectacle, ça a bien faillit mal se terminer aussi. Le village de Katsepy était censé nous accueillir à bras ouverts, étant donné qu’il ne se passe jamais rien là-bas, hors avec notre veine habituelle, nous sommes tombés sur l’unique week-end de l’année où il y a des festivités. Et pas n’importe quelle festivité, M. le sénateur était là, accompagné d’une bande de politiciens en tout genre, un chapiteau était monté sur la petite place centrale du village, les habitants des villages voisins s’étaient tous déplacés, et une effervescence exceptionnelle régnait dans le petit bourg. Le sénateur-organisateur nous a reçu après une heure d’attente, pour nous expliquer qu’entre les discours et les concours de danses traditionnelles malgaches, ce serait très difficile de nous caser. Peut-être demain, à voir… Le lendemain débarquent alors pour nous rejoindre : Marion accompagnée de Solange, Luis (un autre !) et Fechouan, chargés d’un lecteur CD, au cas où nous parvenions à jouer. Ce qui fut finalement le cas in extremis, les officiels ayant commencé à dire vers midi que les animations étaient terminées, nous les avons rattrapés avant qu’ils ne se sauvent vers le gargantuesque repas qui les attendait, et leur avons rafraîchi la mémoire. Ils nous avaient promis une représentation en fin de matinée, nous la feront ! Ils ont daigné rebrousser chemin et nous ne les avons pas ratés en cours de spectacle ! Ils n’ont pas regretté !
Mahajanga, ce fut aussi pour nous l’occasion de se frotter aux joies de l’administration malgache, un grand moment de bonheur !!! Pour faire bref, lorsque nous sommes arrivés à l’aéroport (à notre retour des Comores) le 29 juin, nous sommes tombés sur une espèce de vieille peau de douanière (encore pire que les hommes, les femmes quand elles ont du pouvoir !) qui, alors que nous détenions toutes les pièces à présenter pour obtenir comme précédemment un nouveau visa de 3 mois, nous a tout bonnement embobiné ! Elle nous a tamponné notre passeport, a écrit « trente jours » dans l’espace prévu à cet effet, et nous a raconté qu’en vertu de la nouvelle constitution, la procédure avait changée (depuis ce matin justement !), et qu’il ne s’agissait pas là d’un visa mais d’une entrée provisoire que nous changerions sans le moindre souci au service de l’immigration, après être passés au bloc administratif de la ville pour payer notre dû. Après nous être plaints de la lourdeur de ce nouveau dispositif, nous l’avons finalement crû, naïfs que nous sommes ! Nous n’avons pas été longs à nous apercevoir qu’il s’agissait bel et bien d’un visa d’un mois, et d’un mois seulement ! Deux solutions s’offraient alors à nous : sortir du pays le 29 juillet ou fournir un dossier d’une dizaine de pièces (type certificat d’hébergement, timbres fiscaux, attestation de change de devises, …) repasser par la case départ et repayer 30 000 ariarys ! Aucune des 2 ne nous convenait, nous sommes allés nous plaindre au service de l’immigration, nous revendiquant victimes d’un abus de pouvoir de la douanière. Passant de bureau en bureau, nous avons ainsi remonté la hiérarchie jusqu’à nous retrouver face à la big boss (qui s’est avérée être une amie de la dite douanière) et qui nous a répondu « Vous savez, personne ne vous a demandé de venir à Madagascar », Luis était à deux doigts de lui en coller une ! Devant tant de bonne volonté, nous avons décidé de ne pas leur verser un centime, et de régler cette histoire à Tana. La suite (pas moins épique vous verrez !) au prochain épisode.


Et Mahajanga, ce fut enfin, le moment où nous apprenions que Mathieu, notre ami directeur de l’alliance d’Antalaha, était en train de se transformer en manager. À la réunion à Tana de toutes les alliances françaises de l’île, Mathieu n’a pas tari d’éloges à notre sujet, et nombre de directeurs se sont dits vivement intéressés pour nous recevoir. Résultat, nous bûchons depuis sur l’organisation d’une tournée (qui l’aurait cru au départ du voyage ?), Mathieu faisant le lien entre nos propositions et les demandes de chaque alliance. Dans l’état actuel des choses (mais les réajustements ne sont sans doute pas terminés), nous tournons du 16 août au 30 octobre, dans les alliances de Sainte-Marie, Morondava (à confirmer), Tuléar, Fort-Dauphin, Ambositra, Fianarantsoa, Antsirabe, Tananarivo et Tamatave. Plein de boulot en perspective, plus beaucoup de temps pour visiter le pays, mais quels souvenirs !!!



Voilà en gros nos aventures mahajangiesques ! Je ne m’étendrais pas sur ma 3ème angine malgache en 3 mois. Elle aura surtout eu comme effet de me décider à arrêter mon traitement antipaludéen. La doxycycline (qui m’a été prescrite par un médecin réunionnais) est un antibiotique qui agit contre le palu, mais qui doit sans doute participer à fragiliser mes défenses immunitaires. J’ai tout stoppé, on verra si les angines disparaissent. Luis, lui, ne prend rien depuis le début du voyage et pour l’instant pas de crise, pourvu que ça dure !






Je ne m’étendrais pas non plus sur le tourisme sexuel qui nous écoeure de plus en plus. Les rues sont pleines de vieux vahazas rougeauds au bide graisseux qui se baladent avec leurs jeunes et jolies malgaches, leur faisant miroiter des avenirs meilleurs en agitant quelques billets. Elles, crédules, espèrent un mariage, un départ en Europe, au pire un peu de monnaie. Il y a sans doute quelques rares histoires d’amour dans tout cela. Mais nous avons été témoins de conversations abjectes entre hommes expatriés, débattant sur les culs et les couleurs des chattes (je cite !), et que plus elles sont jeunes, meilleur c’est ! À vomir ! N’allez surtout pas chez « Marco Pizza », le patron sera malheureusement quoi faire de vos sous…





Pour finir, Mahajanga ce fut de très bonnes bouffes (nous regretterons ces bonnes tables et le charme de ses brochettes sur le front de mer au coucher de soleil), le tressage de mes cheveux (Luis passe ses journées à me dire que je suis trop belle, je commence à craindre le moment où je vais devoir les enlever), une sublime expérience, près de la plage de Grand Pavois, avec six sifakas (dont une maman et son tout petit) venus lécher les mains et le bout du nez de Luis après nous avoir scruter de près à la recherche de quelques fruits ou feuilles… en vain (hors de question de nourrir ces lémuriens en totale liberté) et aussi de très bons moments en compagnie de Marion, Jean-Jacques, Chantal, Fechouan, Luis, Solange et les autres… Merci à vous pour tout.

Sur ce je vais clore le chapitre, je n’ai pas réussi à être très synthétique, tant pis pour la mission !

J’embrasse très fort tous ceux que j’aime, et même les autres, tiens, soyons fous !

Milie.