mercredi 1 août 2007

10 jours dans la capitale !



Nous sommes arrivés le mardi 17 juillet à Tana en caressant l’espoir d’en partir le mardi 24… Une semaine pour résoudre ce problème de visa, cela ne nous paraissait pas trop ambitieux ! Nous avions, au préalable, contacté Julie, une amie de Mathieu. Julie travaille à l’ambassade, dans le secteur humanitaire, elle connaît de nombreuses assos et ONG, avec lesquelles nous pouvons organiser des après-midi de spectacle-parachute, histoire de patienter. Parce que de la patience, il nous en faudra, nous le savons !

Hors Julie part en vacances cette semaine ! Elle nous laisse donc les coordonnées de Michel Doxis, un ami à elle, artiste-plasticien haïtien, qui nous mettra en contact avec les assos et qui se propose de nous loger. Chic type, nous disons nous !

Michel est donc venu nous chercher à notre arrivée. Quelle ne fut pas notre surprise en pénétrant dans sa grande maison,


de réaliser que nous nous trouvions chez l’auteur des sculptures en papier mâché, que nous avions tant appréciées, lorsque nous avions vu son expo en mars dernier au CCAC (Centre Culturel Albert Camus, LE lieu culturel de la ville).

Sa maison et celle de son gardien sont de vrais musées, emplies de masques, bestioles, lampes à 3 pattes, toiles et Cie. Toute la famille expose dans le petit nid. Michel fait plutôt de la sculpture, Isa sa femme est peintre et leurs 2 filles de 2 et 7 ans, s’y mettent aussi. Résultat, chez eux, c’est la caverne d’Ali Baba, il y a des couleurs partout, et nos yeux sont émerveillés. C’est ici que nous allons dormir ?

Après avoir posé nos bagages, nous chevauchons la belle express de Michel, qui nous emmène au local d’Ankiz’art. Il y a quelques années, Michel a créé Ankiz’art, une association d’artistes qui intervient dans 8 structures différentes (orphelinats, centres d’accueil de jour, MJC…) pour proposer des animations d’expression artistique. Michel nous laisse donc avec Lorraine, la nouvelle administratrice, et les animateurs. Nous expliquons ce que nous pouvons proposer, ils vont essayer de trouver des structures où les enfants sont encore là, car fort heureusement pour eux, beaucoup sont partis en vacances ! Au final, nous interviendrons dans 4 structures différentes pour le spectacle et pourrons sortir le parachute seulement dans l’une d’elles, faute de place dans les 3 autres. Nous avons reçu un très bel accueil encore une fois. Nous nous sommes produits dans des quartiers populaires de la ville, réalisant ainsi que le niveau de pauvreté est bien pire dans la capitale que partout ailleurs dans le pays, ce qui doit être un fait international !

La première mission administrative a été de retrouver la nouvelle carte bleue de Luis, qui avait été envoyée par sa banque à la société Générale d’Antananarivo. Sa carte avait disparu dès notre départ de Tanambé en mai dernier. Depuis, on voyage avec une seule carte bleue, pas très pratique. On a fait immédiatement opposition…deux mois après l’avoir perdue ! Une première carte avait été envoyée par la SG d’Hérouville à son homologue malgache. Mais 15 jours plus tard, elle était retournée à son expéditeur pour des raisons inconnues. Une deuxième carte a été alors envoyée à Tana précisant qu’on viendrait la chercher mi-juillet, enfin c’est ce que l’on croyait. Il aura fallu deux longs jours pour aller d’agence en agence, de service carte bleue en service étranger en passant par le service courrier, pour qu’on nous dise au final qu’effectivement la SG avait bien reçu l’accusé de réception de la lettre contenant cette fameuse carte bleue qui en avait fait jaser plus d’un, qu’elle avait fait le tour des services à la recherche d’un Luis-Miguel FUSTE, mais qu’ils n’arrivaient pas à mettre la main dessus aujourd’hui, comme par hasard. « La secrétaire du Directeur Général, en repos jusqu’à demain, sait sûrement où elle se trouve. On vous rappelle sans faute » Mouai…

Côté démarches visa, ce fut un peu plus périlleux. Nous avons commencé par nous rendre à l’alliance française, où nous avons rencontré Géraldine et Rachel, nos principales interlocutrices, qui nous ont remis les 2 précieuses lettres (« attestation de prise en charge » et « lettre d’invitation » signées du grand DG lui-même avant son départ en vacances) qui devaient nous permettre d’obtenir le crédit de Mr Tony, responsable des visas de courtoisie au Ministère des Affaires Etrangères, s’il vous plait ! Nous avons rencontré ce même jour la directrice adjointe, Danièle Paris, qui très emballée par le projet et passionnée de théâtre, nous glisse à la fin de notre entrevue « Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à venir me voir », ce n’était pas tombé dans l’oreille de 2 sourds !!!

Le lendemain nous nous rendons donc chez Mr Tony, armés de nos 2 belles lettres à en-tête. Ce brave fonctionnaire, examine le tout et nous répond que notre dossier est parfait, qu’il manque seulement une « note de service » de l’ambassade française, que sans cela il ne peut rien faire. « C’est la procédure ! » affirme-il. Pas de problème Monsieur Tony, nous nous étions préparés psychologiquement, à des renversements de situation de ce type, nous gardons le sourire et notre calme et nous rendons de ce pas à l’ambassade de France, l’éternelle protectrice des français expatriés, notre sauveuse, c’est certain ! Après avoir déposé passeports et couteau suisse à l’entrée, nous pénétrons dans les murs de ladite ambassade, une secrétaire nous reçoit, nous répond qu’une note de service est très facile à faire. Ce qui est compliqué, c’est de la faire signer par le chancelier. Elle va donc se renseigner auprès de ses supérieurs, en omettant de fermer la porte du bureau. Nous pouvons donc profiter pleinement des remarques de sa très aimable supérieure, qui s’écrie que c’est impossible, même pour les stagiaires de l’ambassade, on ne peut faire de note service, ce titre étant réservé exclusivement aux diplomates. La pauvre secrétaire revient donc nous confirmer ce que nous savons déjà, en gros démerdez-vous, nous ne pouvons rien faire pour vous. Nous lui glissons quand même au passage, que cela nous paraît un peu étrange que Mr Tony nous ai demandé cette note, sachant que nous sommes des clowns et pas des diplomates, ce à quoi elle nous répond qu’il doit être incompétent, que cela reste impossible, sympa pour lui. Merci l’ambassade française, on se sent vraiment épaulés à l’étranger, c’est rassurant !

Retour donc au point de départ, résumons. Le seul moyen d’honorer la tournée que Mathieu nous a organisé, c’est d’avoir un visa qui va jusqu’à la fin du mois d’octobre, hors le nôtre expire le 29 juillet, soit dans moins de deux semaines.

Le lendemain nous partons donc pour le ministère de l’Intérieur, comme nous l’avait « conseillée » l’ambassade, si nous voulons un visa de plus de trois mois. Et, oh surprise ! L’intérieur ne peut rien faire pour les étrangers ayant un visa touristique. Il n’y a que le ministère des affaires étrangères qui peut faire en sorte de prolonger notre séjour par le biais d’un visa de courtoisie. Le serpent vient de se mordre la queue !!

Exaspérés par ce triangle magique parfait que sont les administrations « francon- malgache », nous décidons de faire appel à notre sauveuse de l’alliance française, Mme Paris. Elle tient à nous rassurer en disant qu’à Madagascar, il faut parfois une bonne nuit de sommeil pour que tous les problèmes se délient d’eux-mêmes ! Bah voyons !! Et bien, croyez le ou non, le lendemain matin, en allumant le téléphone portable, après une bonne grâce matinée, nous avions un premier message du siège social de la Société Générale d’Antananarivo nous disant que ma carte bleue avait été retrouvée et un deuxième de Mme Paris heureuse de nous apprendre qu’elle avait réussi à convaincre l’ambassade, par je ne sais quel moyen, de nous faire cette fameuse note de service. Comme quoi, notre fameuse « théorie du trampoline » prouve une fois de plus que plus on s’enfonce, plus haut on rebondit !

En attendant nos visas, nous profitons du premier championnat national de Slam de Madagascar. Tous les meilleurs slameurs du pays ont rendez-vous pendant une semaine entière dans la capitale. Des éliminatoires au CCAC jusqu’à la grande finale en simple ou par équipe à l’Alliance Française, des « scènes ouvertes » dans des bars branchés à des ateliers gratuits dans des centres d’accueil pour enfants des rues, férus de cet art depuis quelque temps, le slam est partout à Tana. Et, bien que la plupart des soirées ou après-midi se passent en petit comité (une cinquantaine de personnes minimum), le slam attire vraiment de plus en plus de monde dans le pays et se déroule toujours dans une ambiance très chaleureuse. Malheureusement, beaucoup de très bons slameurs n’ont pu rejoindre cette grande première car cette semaine coïncidait avec celle des examens du baccalauréat. Non pas que les organisateurs aient négligé ce détail fort important mais les dates du bac ont été délivrées il y a seulement trois mois, soit un mois après avoir fixé la date du championnat. Malgré tout, nous avons pu écouter des styles très différents, se délecter des très beaux textes militants ou d’amour, en français ou en malgache, voir de très bons slameurs qui, par leur voix ou leur attitude sur scène, réussissent à capter l’attention de toute une salle, et nous rendre compte que les malgaches ont bien leur place dans les championnats du monde de slam.

Dernier jour à Tana et dernière chance pour nous de récupérer nos visas avant le week-end et surtout avant leur expiration Dimanche. Après quoi, nous serons des « sans papiers » !!!

Le Ministère des Affaires Etrangères (MAE) vient à l’instant de recevoir nos passeports et la note de service tant attendue depuis une semaine. Il est vrai que l’ambassade est surmenée de travail pour écrire un simple bout de papier et apposer une signature. Il leur aura fallu 4 jours pour le faire ! Et maintenant nous devons attendre 72 heures pour que le MAE colle une étiquette sur le passeport, le tamponne, nous mette sur leur registre et nous le délivre !! Mora mora à Mada. En attendant, le MAE nous a délivré un récépissé de dépôt de dossier au cas où l’on se fasse contrôler par les autorités. Il paraît que certains policiers à Tana ne sont vraiment pas tendres avec les étrangers, quels qu’ils soient, n’ayant aucune preuve sur eux d’un séjour valide. C’est illico en cellule de rétention avant de prendre le charter pour son pays d’origine. Ça me rappelle un pays mais je ne me souviens plus lequel…

Du coup, nous allons devoir revenir d’Antsirabe mercredi prochain, nous coltiner plus de 7 heures de taxi-brousse aller-retour, pour aller récupérer nos passeports. Mais bon, n’allons pas nous plaindre, certains attendent des semaines ou des mois entiers pour obtenir ce visa de courtoisie.

En sortant du MAE, nous avons assisté à la nouvelle politique dramatique du président Ravalomana. Non content d’avoir dissout l’Assemblée nationale cette semaine, car de plus en plus de députés commencent à franchement contester sa façon de diriger le pays, le chef de l’état a décidé d’éradiquer tous les commerces illégaux. C’est-à-dire tous les milliers de personnes qui tentent de survivre en vendant tout et n’importe quoi chez eux ou dans la rue. Conséquence visible ce matin : Toutes les habitations de fortune, en brique ou en bois, des pauvres gens qui résident dans le quartier où se situent tous les ministères - et le plus vilain Hilton de toute l’histoire de l’humanité - ont été complètement rasées par les bulldozers, sous la bienveillance de l’armée. Scène d’horreur où ces centaines de personnes, parquées le long de la berge avec leurs derniers biens, assistaient avec impuissance à la destruction en quelques minutes de ce qu’ils avaient construit de leurs propres mains pendant des années ; et où des centaines d’autres - dont nous - situées de l’autre côté de la berge, assistaient apathiquement à ce spectacle révoltant en se demandant à quoi, et à qui, cela servait-il et surtout ce qu’il allait advenir de ces nouveaux sans abris à qui le gouvernement n’a proposé aucune solution d’hébergement. Voilà la notion de progrès économique et social et la nouvelle politique d’urbanisation de la capitale « made in Ravalomana ».

A Antananarivo, le président de la république a fait reculer la misère… de 5 kilomètres. Plus officieusement, les jeux des îles (l’équivalent des J.O de l’Océan Indien) se déroulent cette année à Tana au mois d’Août. Alors on nettoie la ville de quelques saletés encombrantes.

Les Clowns.

P.S : On a enfin reçu des nouvelles de Tanambé, le petit village où notre aventure malgache a formidablement débuté. Tout le monde va bien. Ils sont impatients de nous retrouver vers Tamatave ou Sainte Marie fin août et ont une belle surprise pour nous. Devinez laquelle ?? Ma carte bleue était restée dans un placard qui nous servait de coffre-fort !! J’appris la nouvelle le lendemain de la restitution de ma nouvelle carte bleue. La boucle est bouclée et le serpent se mord une nouvelle fois la queue !!