jeudi 24 mai 2007

Et voilà que se tourne la dernière page du chapitre 1…

Nous avons dévoré ces deux mois à Tanambe comme des affamés ! A l’école matins, soirs et week-end, avec un emploi du temps serré alternant les ateliers-spectacle (jonglage et musique pour Luis, danse et théâtre pour Milie), les jeux de parachute et la fresque murale … Je résume pour ceux qui n’auraient pas suivi, pardon pour les autres !!! Voilà enfin des photos pour illustrer nos propos !

Toute cette énergie et cette sueur dépensées se sont soldées jeudi 17 mai par une superbe journée, les enfants nous ont littéralement époustouflés ! Après la répétition générale catastrophique de la veille, nous étions quelque peu inquiets, d’autant que le temps était à la pluie depuis le début de la semaine et qu’évidemment tout était prévu en plein air ! Vous entendez déjà le Loulou affirmer de sa mégalomane superstition qu’avec lui toute fête se termine toujours sous la pluie et bien que nenni le soleil était là et bien là et les enfants à fond dans ce qu’ils interprétaient !!!

Les 200 spectateurs se sont émerveillés des 20 spectacles (en comptant les chorales des différentes classes d’âge et le spectacle des profs !), le directeur de l’école publique (car la Perfomance est une école privée, laïque mais privée !) a adoré et a même décrété « On a jamais rien vu de pareil à Tanambe ! »

Et puis il a fallu balayer la cour, superposer les chaises, plier les costumes dans le sac à dos, échanger les photos, se remémorer en riant les petits couacs que nous seuls avons vus… Jusqu’aux adieux tout aussi solennels que l’était notre arrivée, mais emprunts d’une émotion beaucoup plus sincère :

Vendredi, 16H30, au moment où l’on baisse les drapeaux dans la cour de l’école, les 270 petits bambins, sur les visages desquels nous pouvons maintenant mettre des prénoms, se sont tournés vers nous et, au lieu de chanter la Marseillaise comme à l’accoutumée, l’une d’eux, Sylvia, élève de 4ème, est venue lire un texte très émouvant de remerciements sur les expériences partagées, le souvenir laissé, etc…

Nos gorges se sont serrées, j’ai laissé couler la première larme, ai tenté de répondre par quelques mots qui se sont bousculés, pour finir en gros sanglots. Du coup, nous avons arrêté là les discours et les 270 petiots sont venus, en pleurs eux aussi, nous faire des tonnes de câlins et de bisous. C’était magique, du grand bonheur !!!

Je vais prendre ma douche avant la coupure d’eau et cède la place au Loulou.

Des baisers tout plein,

Milie.

Bon où en était-elle ? Ah oui. Moment magique, bonheur indéfinissable pour nous, tristesse inconsolable pour eux !!!

Mais ces moments d’adieux ont perduré toute la journée du lendemain où près d’une cinquantaine d’élèves sont venus nous voir à l’école le matin, jusqu’à se bousculer à la porte de « notre maison » (nous empêchant ainsi de faire nos bagages !!) tout l’après-midi pour faire une photo avec nous et nous offrir des cadeaux de toutes sortes : artisanat de la région tels que paniers et boites en roseaux, des petites sculptures en bois (arbres du voyageur, instruments de musique couchés au pied d’un cocotiers, des 2CV, des motos et des tracteurs…), des chapeaux, des avocats gros comme un ballon de football américain et deux œufs !!!

Milie a même reçu un bracelet et un mini sac à main de la part d’une mère de famille que nous avions simplement l’habitude de saluer sur notre chemin menant à l’école. Cette famille ne possède rien, ils n’ont presque pas d’argent, les enfants ne sont pas inscrits dans notre école et nous n’avons jamais créé de lien particulier avec eux. Et voilà qu’au moment où nous leur avons fait comprendre que nous partions pour de bon, la mère et la fille se sont ruées vers nous, munis de ces présents, avec une spontanéité qui nous a mis la larme à l’œil… Nous réalisions une fois de plus la force et la beauté de ces villageois altruistes qui allaient vraiment nous manquer.

Alors pour garder tous ces présents, voici l’histoire de la caisse en bois !!

Tout a commencé le jour où nous avons décidé de commander une caisse assez résistante afin d’envoyer l’artisanat à base de roseaux, raffia, et autres superbes matériaux de construction. Cela va sans dire qu’il est inconcevable d’envoyer tous ces objets, aussi beaux que fragiles, dans un carton. Pour avoir travaillé, dans les plateformes de Fret, à charger et décharger les camions, il est clair que notre colis serait réduit en crêpe ou en ballon de carton tellement les ouvriers n’ont pas le temps d’être consciencieux, poussés par des patrons qui les forcent à travailler, non pas bien, mais le plus rapidement possible. Gain de productivité oblige.

Bref. Enfin, comme d’habitude, je ne le suis pas trop !!

Tout cela pour dire, que nous avons eu la superbe, la magnifique, la splendissime idée de commander une caisse en bois ( ah oui je l’ai déjà dit ça !)

La première caisse que nous a ramené notre artisant, devenu un très bon copain d’insultes franco-malgache, était une très belle et grande caisse en bois d’azual. Le seul inconvénient, et de taille, est qu’elle pesait 19,5 Kgs. Détail important lorsque l’on ne peut dépasser les 20 kgs en Fret. Faites la soustraction et vous comprendrez ce moment ridicule et compliqué que nous avons dû gérer !!

Il a donc fallu en recommandé une autre, mais cette fois-ci plus légère, en bois de pin : plus petite en volume mais seulement 8,5 kgs. Victoire !! enfin pour l’instant…

Il a fallu batailler dur mais, après de nombreuses gouttes de transpirations, beaucoup de patience et d’esprit maniaque, nous avons réussi à faire rentrer chaque cadeau que les enfants nous ramenait toutes les cinq minutes, la veille de notre départ.

Nous voici alors partis pour Antananarivo, avec tous nos bagages et cette caisse en bois dont nous allions enfin pouvoir nous débarrasser rapidement avant de commencer notre périple vers le nord-ouest.

Mais voilà qu’à Madagascar, rien ne se passe comme on se l’imagine !!!

Nous avons perdu toute la journée à aller d’un point à l’autre de la ville, des postes publiques, qui gèrent les colis postaux, aux agences privées de Fret, à dépenser une somme incommensurable en taxi, un temps fou à discuter, négocier, à croire enfin à la solution, à être, l’heure d’après, tombés dans la désillusion… et toujours avec cette caisse à la main ne sachant qu’en faire !

Car, nous l’avons appris à notre grand damne, il n’y a presque aucune solution pour envoyer un colis par voie maritime. Au meilleur des cas, nous devions aller faire une attestation de valeur auprès du ministère des arts et cultures, une liste de colisage et une dispense ERD (pour ne pas payer de taxes sur les entreprises) auprès d’un autre organisme public. Cela nous aurait pris quelques jours précieux que nous n’avions pas et sans compter sûrement sur les bakchichs à payer de-ci, de-là. Et il était hors de question de débourser près de 200 euros pour envoyer par avion un colis qui n’en vaut que 60.

Alors, sur une merveilleuse idée de la part du grand responsable d’une agence de Fret de la capitale, nous décidons de changer notre itinéraire initial pour rejoindre le port d’Antsiranana (Diego-Suarez), à la pointe Nord-Est du pays, où il est certain, selon lui, de pouvoir envoyer par bateau cette encombrante caisse qui commence à nous coûter cher, à tous points de vue.

27 heures de taxi-brousse plus tard, nous voilà arrivés éreintés par la route et inquiets pour notre santé physique. Non pas à cause d’une nouvelle diarrhée, due à la nourriture indigeste que l’on est obligé de manger en route, mais bien parce que deux heures plus tôt un malgache, dont le taux d’alcoolémie était de loin supérieure à la vitesse à laquelle il roulait, nous a percuté de plein fouet avec son scooter. Il roulait sans phare et trop près du taxi brousse d’où nous venions tout juste de descendre pour faire une halte de dix minutes. Nous étions en train de discuter gaiement avec un passager et n’avons rien vu venir dans notre dos. Milie s’est pris l’avant du scooter dans le dos, la faisant tomber à terre et malheureusement heurté le bitume la tête en arrière, et l’instant d’après le scooter m’a fauché les deux jambes en retombant sur le coude et le poignet, heureusement sans conséquences…

Tout à coup, une masse humaine s’est empressée autour de nous pour nous aider à nous redresser, à évacuer le scooter qui se vidait de toute son essence sur l’asphalte, à nous prier d’aller voir un médecin et à rechercher le fautif de cet incident. Ce dernier avait mystérieusement disparu dans tout ce tohu-bohu. Milie n’avait pas trop mal, si ce n’est ce choc assez violent à la tête. Bien que nous avons refusé de passer chez le médecin du village d’Ambilobe, parce nous sentions à peu près ok, nous nous inquiétions quand même d’un possible traumatisme crânien. Surtout qu’il y a quelques temps, nous avions appris qu’un gendarme, alors en fonction, s’était fait percuté sur son vélo par une voiture. Petite précision, il était complètement saoul (pas le chauffeur), n’avait absolument rien senti du choc qu’il venait de recevoir et est rentré tranquillement chez lui comme si de rien n’était. Deux heures plus tard, il s’est évanoui pendant son repas et ne s’est jamais réveillé : hémorragie interne…

J’avais plaisanté ce jour-là en disant que moralité : Il ne fait pas bon être gendarme !!! Dans le taxi-brousse qui nous menait à Diego-Suarez, je regrettais profondément cette mauvaise blague…

Tous deux avions peur qu’elle dorme mais nous étions tellement fatigué par la route qu’il était impossible de faire la distinction entre l’épuisement et le malaise.

Mais plus de peur que de mal… même si le mal est encore un peu présent, la peur s’est dissipée le lendemain avec la confirmation par les radios faites à l’hôpital qu’il n’y a absolument rien.

Et cette caisse ? C’est bien à cause de celle-ci que tout est arrivé. Et en plus de tout cela, nous nous sommes heurtés à des réponses plus négatives les unes que les autres de la part de toutes les agences de Fret de la ville. Solution, louer un container de 200 tonnes à 2000 euros pour y déposer notre caisse à l’intérieur !!! Pas convaincu.

Autre solution : la garder avec nous jusqu’à retourner à la capitale dans un mois et demi pour l’envoyer et faire les visites des ministères et bakchichs et Co ? En résumé : retour à la case départ !!!

Un vrai cadeau empoisonné que cette caisse en bois !!!

Nous quittons Diego, cet après-midi, et ses inombrables coupures de courant, dues aux grèves multiples des employés de ce service public qui court, un peu plus tous les jours, vers le dépôt de bilan. Beaucoup soupçonnent l'immobilisme intentionnel du gouvernement, dirigé par le dictateur néo-libéral qu'est le président "démocratique" Ravalomana, afin d'ouvrir le secteur de l'électricité aux investisseurs étrangers (Europe et Chine en particulier). De surcroît, pour répondre aux nombreuses manifestations de mécontentement, voire émeutes, dans presque toutes les grandes villes du pays, il envoie les forces de l'ordre pour calmer les esprits. On en connait d'autres qui agissent de la même manière. Les relations franco-malgaches vont sûrement devenir très bonnes ces cinq prochaines années.

Bon assez de politique...bah j'y arrive pas ! C'est plus fort que moi ! Et n'oubliez pas les législatives !!

Luis