mardi 3 juillet 2007

Les Comores, ahhhh, les Comores !

Salam Aleikum à tous,

Partis à reculons pour cet archipel méconnu, pour des raisons purement administratives de renouvellement de visa (et oui il nous fallait quitter le territoire malgache, et lorsqu’on est sur une île, ça fait tout de suite des bornes !), nous revenons après 2 semaines, séduits, comblés, avec l’envie au ventre d’y retourner pour explorer, ce que nous n’avons pu que survoler.

Tout a commencé à l’aéroport de Mahajanga, lorsque après plusieurs longues journées de taxi-brousse, nous nous faisions une joie de prendre l’avion, le moyen de transport sûr, efficace, moderne et ponctuel ! Première étape : l’enregistrement des bagages ! Comme nous ne sommes que des novices en matière de voyage, évidemment ni Luis, ni moi, n’avions réalisé que les 20 kilos autorisés par passager par Air Madagscar, étaient nettement en dessous de ce qu’autorisent les autres compagnies aériennes… Comme nous ne sommes que des clowns rêveurs, évidemment ni Luis ni moi, n’avions pensé à retirer de nos énormes sacs à dos, les livres que nous avons déjà tous les 2 lus, le duvet et nos pulls en laine (il fait 30° aux Comores !), nos chaussures de rando, l’ordinateur portable, etc… que nous aurions pu laisser en toute confiance à l’alliance française de Mahajanga où nous retournerions à l’issue des 15 jours… Comme nous ne sommes que des abrutis, donc, nous avons payé 56000 ariary (soit une vingtaine d’euros) de surcharge, putain, ça commençait bien les Comores !

Après nous être un peu échauffés avec quelques employés, nous avons eu tout le loisir de ruminer notre bêtise dans le hall d’attente car notre vol n’a eu rien d’autre que 2 heures de retard ! Il faut que j’oublie ma ponctualité légendaire (ceux qui nous connaissent bien savent que ce n’est pas Luis qui est en train d’écrire !), et que je comprenne une bonne fois pour toute qu’il faut toujours venir au moins 1 heure après le rendez-vous prévu, même lorsqu’il s’agit d’avions. Nous sommes dans l’hémisphère sud quand même ! le vol, lui, superbe, nous a fait survoler l’île de Mohéli et ses îlots bordés de lagons turquoises, la magie commençait à opérer.

L’archipel des Comores est composé de 4 îles : la Grande Comore, Anjouan, Mohéli et Mayotte (la seule qui soit restée française, ayant du coup un fonctionnement bien à part).

Pour ceux qui ne connaissent pas les Comores (99,99% de nos lecteurs, dont nous !), la situation politique et sociale est très tendue ici.

17 coups d’état en 30 ans, la plupart menés par le mercenaire Bob Dénard pour le compte de l’état français, qui tantôt plaçait au pouvoir un tel, puis le liquidait ou le destituait un an ou deux plus tard. Une indépendance déclarée le 6 juillet 1975, qui a entraînée la fuite des colons français (ainsi que leurs capitaux) provoquant ainsi la chute économique du pays et l’émigration massive de la majeure partie de la population. Seul Mayotte avait senti le coup venir et décida à ce moment-là de rester attachée à la France. Et n’allez surtout pas dire à un mahorais qu’il est comorien, il serait capable de vous frapper, sinon plus. Ce T.O.M, désireux de devenir un D.O.M, est aujourd’hui l’île la plus riche, économiquement parlant (notamment grâce aux immigrés comoriens qui sont une source de main d’œuvre très rentable) et la plus développée de l’archipel des « îles de la lune ». Aucune couverture sociale pour les résidents français mais TOUS les services de santé sont entièrement gratuits !

Revers de la médaille : tournée vers le tourisme, bien plus que ses consoeurs, grâce notamment à ses lagons de rêve, l’île est de plus en plus défigurée par les hôtels, bateaux et autres produits de luxe, menaçant un peu plus chaque jour la riche faune et flore aquatique et terrestre qui l’habite depuis des siècles.

La diaspora comorienne est très importante en France : Alors que les trois îles comporte plus de 600 000 personnes, près de 200 000 comoriens vivent chez nous et représente 30% du PIB national de l’ensemble de l’archipel !

Tous les mois ces expatriés envoient de l’argent à leur famille vivant aux Comores pour les aider à survivre ou à construire la future maison dans laquelle ils habiteront à leur retour définitif dans leur pays natal ou d’origine. Seulement cette aide de la diaspora comporte plusieurs problèmes sociaux et effets pervers. D’une, elle pousse beaucoup d’hommes à ne pas travailler. Je n’ai pas dit chercher du travail, car il n’y en a presque pas. Même si beaucoup ont une parcelle de terrain où ils passent la plupart du temps à cultiver avant ou après leur travail, trop nombreux sont ceux qui voient en cette somme tombée du ciel un moyen pour ne rien faire d’autre que de discuter sur les fameux bancs publics, qui sont ici une véritable institution et un bon argument pour gagner des élections !! Alors va pour les anciens qui n’ont pas de retraite, déjà que les fonctionnaires ne sont pas payés depuis plusieurs mois, sinon années…

Mais que les plus jeunes n’apportent pas leur contribution pour faire en sorte que leur pays sorte de la misère dans laquelle elle se trouve (sous prétexte que des membres de leur famille leur apportent chaque mois de quoi les loger, les nourrir, s’habiller avec des vêtements de marque, avoir une voiture ou payer leur grand mariage) ne fera que conforter leur apathie ainsi que l’immobilisme socio-économique et culturel des Comores. Et pour tous les diplômés, ou tous ceux qui ont un minimum d’éducation ou de compétence dans un domaine particulier, leur seul désir est de quitter leur pays, où il n’y a aucun avenir, pour partir vers la France tellement les « Je viens » (les expatriés comoriens qui reviennent au pays tous les étés) entretiennent le mythe du « rêve français » en venant littéralement claquer les économies qu’ils ont faites dans leur 9m2 durant toute l’année.

On peut apercevoir les effets de la diaspora sur un village, ou une ville, en voyant les milliers de maisons encore au stade de construction depuis plusieurs années, soit parce que l’argent envoyé de France, pour acheter tout le matériel nécessaire aux travaux, a été utilisé par la famille pour autre chose, au grand damne des « je viens », soit parce que ces derniers prennent en charge la construction durant les étés, blazés de voir que personne n’a presque pas levé le petit doigt pour avancer les travaux alors que tous habitent dedans.

Cette idée de communautarisme est belle dans l’idée mais complètement faussée dans les faits. Les comoriens, vivant en France, sont OBLIGES de participer financièrement tous les mois à cette « aide » afin de financer non seulement leur famille mais aussi le village pour qu’il se dote d’une énième mosquée, alors que les écoles et les hôpitaux manquent cruellement de matériel qu’il y a de nombreuses coupures d’eau et d’électricité (gare aux produits importés congelés, au paludisme et aux épidémies de choléra). Et malheur à celui qui ne payera pas, parce qu’il est déjà endetté jusqu’au cou dans son petit studio à Marseille ou parce qu’il ne veut pas se soumettre à ce « chantage ». Le nom de sa famille sera affiché sur les murs du village et sera montré du doigt par tous les villageois. Et si par malheur, quelqu’un venait à décéder, le défunt n’aurait pas le droit à un grand enterrement, qui est le symbole et le but de toute une vie pour un comorien.

Autre grand but dans leur vie est celui de devenir un jour grand notable, synonyme d’une élévation et d’une reconnaissance sociale. On occupe alors une place plus importante dans les décisions prises au village et une des meilleures place à la mosquée. Pour réaliser ce projet, il faut d’abord faire son grand mariage. Et plus on atteint des sommets dans la démesure, plus on sera reconnu par le village, la ville, la région, le pays. Certains vont jusqu’à dépenser 100 000 euros (si si) en invitant le maximum de personnes et en leur en mettant autant plein les yeux que dans la panse. Ainsi, les chefs de village, maires ou présidents sont choisis, non pour la sagesse qu’ils devraient incarner pour mener à bien leur mission, mais parmi les hommes les plus riches ou les plus malins, qui voient dans ce grand mariage un investissement à long terme qui leur ouvrira les portes du pouvoir.

Mais que fait l’état ? Rien, si ce n’est de s’enrichir sur le dos de son peuple. Scénario universellement bien connu malheureusement.

La structure politique est plus que complexe à Grande Comore, Mohéli et Anjouan, chacune ayant son propre président. Ce qui fait 3 chefs de gouvernement qui doivent s’entendre malgré leurs possibles divergences politiques, auxquels s’ajoute le président de l’Union des Comores ! Et chaque île a son Parlement propre qui doit logiquement suivre le grand Parlement de l’Union !

Des présidents corrompus, des gouvernements corrompus et volontairement apathiques qui laissent leur pays à la dérive en menant une politique d’ingérence grâce aux innombrables ONG et, surtout, institutions de l’UE, présentes sur les trois îles. Les gouvernements locaux se frottent les mains en faisant ainsi l’économie de milliards de dollars tout en essayant de « récupérer » chaque projet apporté de l’étranger tandis que l’UE continue à jouer un rôle hypocrite et pervers dans sa politique, non pas d’aide, mais d’assistanat. Car sans compter les milliers d’emplois et les millions et les millions d’euros (souvent jetés par les fenêtres tellement certains projets sont ridicules) que les institutions injectent dans l’économie comorienne, c’est avant tout un rôle de stratégie politique et diplomatique qu’elle joue dans la région. Cela fait toujours bien aux yeux du monde entier de paraître être le sauveur des pays en voie de développement. Mais c’est une politique de néocolonialisme et de contrôle de la région de l’Océan indien qu’elle occupe en premier lieu. Les ONG et institutions de l’UE, garantes d’une belle idée qui s’appelle l’humanitaire ne sont rien d’autre que « les instruments de la diplomatie occidentale » pour reprendre les termes de François, mon « alcoolyte » de Mohéli, qui travaille justement en tant que volontaire, dans l’une de ces institutions oeuvrant pour belle idée qu’est le co-développement. Si vraiment l’UE voulait favoriser le développement ici, elle quitterait immédiatement le pays afin que les habitants soient, pour un temps, livrés à eux-mêmes et instigateurs de projets concrets et pertinents pour redresser la situation de l’île. Et seulement à ce moment-là, les financements arriveraient pour mettre en place ces projets.

Et puis il y a les nationalistes qui veulent à tout prix récupérer Mayotte. Et puis les séparatistes qui veulent l’indépendance de leur minuscule île. Ajoutons à cela que l’île d’Anjouan est désormais contrôlée par le général Mohamed Bacar depuis 5 ans et qu’il a décidé de rester au pouvoir malgré le résultat des élections présidentielles qui se déroulaient au moment même où nous y étions.

Le dictateur d’Anjouan s’est autoproclamé à nouveau président dès le premier tour à 85 %, après des élections truquées cela va sans dire. Alors que les observateurs de la communauté internationale (dans observateurs voyez y militaires), étaient présents sur tous les bureaux de vote de Grande Comore et de Mohéli afin d’éviter toute fraude électorale (fallait voir certains militaires sud africains, soudanais ou mauriciens passant leur temps à draguer les comoriennes pendant que, dans leur dos, des partisans de tel ou tel parti donnait de l’argent aux inscrits afin qu’ils votent en faveur de leur candidat), il apparut anormal et scandaleux que sur Anjouan, où tous ces problèmes de fraude étaient certains, il n’y eu pas d’ « observateurs » internationaux compétents. Bacar, par son système de milice, a tout scellé de l’intérieur. Et le voilà qui, avant même le deuxième tour des présidentielles des deux autres îles et sous la pression internationale, proclame au nez et à la barbe de tout le monde son nouveau gouvernement, au grand damne du président de l’union et de son rival politique, Mohamed Sambi. Il y eut bien des menaces d’intervention militaire pour déloger Bacar de la part de la communauté internationale, du conseil de sécurité de l’ONU et de l’Union Africaine mais, aux dernières nouvelles, Mme Zuma, représentante de l’UA, dépêchée à Anjouan pour intimider Bacar, est revenue de l’île en déclarant officiellement qu’il devait y avoir négociation. Diplomatiquement parlant, tous ces grands décideurs, « faiseurs de paix et garants de la démocratie » n’ont rien fait d’autre que d’apporter leur soutien à un dictateur. Ca devrait donner des idées à d’autres présidents des pays voisins. L’intervention militaire est mise aux oubliettes… pour l’instant.

Le deuxième tour à Grande Comore a vu la victoire du premier président albinos de l’histoire des Comores Mohamed Abdouloihabi, et à Mohéli d’un riche entrepreneur Mohamed Ali Saïd, à qui nous avons eu l’honneur de serrer la main dans sa demeure au lendemain même des résultats. Tout le monde espère un sursaut de la part de ses nouveaux leaders ayant la même couleur politique que Sambi, le président de l’union des îles. Reste à voir pour les Parlements… Moins de blocage politique serait sans doute plus bénéfique (encore faut il que les présidents soient droits et honnêtes !) que les cinq années précédentes où l’on pouvait comparé leur système à ce que nous appelons la « cohabitation ». Mais le plus grand problème est que le peuple attend beaucoup trop, et avec beaucoup trop de passivité et un soupçon de fatalisme, du gouvernement et de l’UE. Beaucoup se déresponsabilisent totalement en accusant toujours ceux qui sont au dessus d’eux. Réflexe logique et universel.

Donc ça c’était pour le climat politique et social, et encore je ne m’étends pas sur des tas d’autres sujets !

Vous êtes sûrement en train de vous dire qu’il faudrait être fou pour être là-bas en ce moment. Le site du ministère des affaires étrangères déconseille vivement les ressortissants français à y mettre les pieds. Quelle bande de crétins.

Après un portrait qui semble bien sombre, nous pouvons vous assurer qu’il n’y a pas plus gentil, plus pacifiste, plus accueillant, plus honnête, plus généreux, plus souriant, plus désintéressé, plus drôle qu’un comorien. Enfin si, il y a des tas d’autres peuples qui le sont aussi fort heureusement ! Ils m’ont souvent fait penser aux Irakiens par leur joie de vivre et leur simplicité. Ce sont des musulmans calmes, tolérants, très ouverts d’esprit et dont leur société est unique dans l’Islam. Leur système ressemble à celui qui existe aussi dans certains pays d’Afrique, un système matrilinéaire, c’est-à-dire que tous les biens du couple reviennent à la femme : maison, mobilier, voiture, bijoux, argent… Il n’en reste pas moins que c’est elle qui se tue le plus au travail tandis que Monsieur discute tranquillement de politique, de religion et de blablabla sous les bancs installés à l’ombre d’un oranger ou d’un manguier. Et plus on monte l’échelle sociale, plus cette réalité est avérée.

Ce système est tout de même une forme de protection pour la femme : au cas où le mari se soit mal comporté, elle peut le chasser de chez elle. C’est également le mari qui vient dans la famille de la femme après le mariage. Généralement, les parents tentent de vivre dans leur propre maison jusqu’à ce qu’ils aient des petits-enfants. Cela permet alors à la femme de trouver du travail ou de garder son emploi tandis que les « Bacos » s’occupent de ses enfants. La famille est la deuxième institution du pays, après la religion bien sûr.

Nous avons passé la première semaine sur la Grande Comore, où nous avons été accueillis par Jérôme, le directeur de l’Alliance française. Contrairement à nos habitudes, qui sont plutôt, par la force des choses, de travailler beaucoup pour peu de retours, Jérôme nous a logés et nourris pendant cette semaine, en échange d’une seule représentation à l’Alliance française ! Notre travail serait-il enfin reconnu ! En tous les cas, c’était un accueil formidable et puis ça met du beurre dans les épinards !!! Nous avons quand même culpabilisés de tant de luxe pour si peu de sueur, et avons immédiatement acceptés la proposition de Marie-Ange et de Lise, lorsque attirées par les couleurs flamboyantes du parachute, elles sont venues à notre rencontre sur la plage d’Itsandra (centre ville de Moroni). Le PASEC, pour lequel elles travaillent, organisait, cette semaine justement, une tournée d’interventions et de sensibilisation dans les différents villages de l’île, en partenariat avec le Croissant Rouge et l’UNICEF. Nous pourrions nous joindre à eux, afin de jouer pour tous ces enfants qui n’habitent pas la capitale et qui n’ont que rarement, voir jamais, l’occasion de voir un spectacle, qui plus est de clowns.

Notre première représentation, à l’Alliance franco-comorienne de Moroni, fut la plus animée. Les enfants de l’école française, public d’initiés (enfants de milieu favorisé ayant déjà eu l’occasion de voir du spectacle vivant) et d’avertis (nous les avions rencontrés la veille à l’école), ont réagi avec une grande ferveur, participant vivement, huant Luis et le traitant même au passage de « cannibale », va savoir… Toujours est-il que ça nous a changé de nos sages petits malgaches ! Du répondant ces petits là ! Un bon thermomètre pour mesurer la part de parole laissée à l’enfant selon les cultures. C’est à cette occasion, que nous avons rencontré Abdallah, percussionniste et ancien guitariste de Maalech (sûrement le musicien le plus connu hors de ses frontières). Il avait été contacté par l’alliance pour nous accompagner (lors du passage de la boîte à musique, pour les initiés) et avec qui le feeling est passé tellement instantanément qu’il a décidé de nous suivre gratuitement sur la tournée ! Merci Abdallah, une grande pensée pour toi et ton sourire généreux !

Nous avons ensuite enchaîné avec la tournée humanitaire. Les organisatrices du PASEC, Asma et Lise, avaient mis au point tout un tas d’activités ludiques afin de sensibiliser l’enfant à la propreté dans son école. Mais elles se désolaient de voir que chaque demi-journée dans un village se déroulait selon le même scénario : Après une heure de retard sur le programme commençaient alors les longs discours des différents notables du village (les hommes influents depuis leur grand mariage), félicitations et congratulations des villageois et des représentants des ONG, puis enfin, le rafraîchissement dînatoire attendu de tous, aux yeux et à la barbe des enfants qui ne feront aucune des activités prévues ! Asma et Lise se dépitaient de jour en jour, se promettant de prendre les devants de l’organisation à l’avenir. Pour nous ce fut plutôt très sympa, nous avons dans chaque village pu caser notre spectacle, même si à une reprise il fut interrompu par l’annonce au micro de l’heure de la prière, alors qu’Abdallah leur répétait que le spectacle allait finir dans 3min, et voilà donc tous nos chers notables en route vers le lieu de recueillement, passant au bord de notre scène et discutant joyeusement dans la plus parfaite ignorance ! Vexant merde ! Puis, une fois la prière finie, certains osaient venir nous féliciter. Bizarrement, ils s’étaient retrouvés face à deux murs qui ne voulaient pas leur répondre.

À chaque représentation, ses petits problèmes techniques qui entraînaient par conséquent des situations inédites et enrichissantes. Jouer sans musique, à cause d’un poste CD capricieux, s’est avéré très déstabilisant, surtout lorsque la compréhension du spectacle mimé repose entièrement sur elle. Ou bien, finir le spectacle dans une salle sombre et sans lumière, alors que le soleil s’est couché depuis 15 mns, nous a montré que l’on savait jouer, même dans les situations les plus inextricables.

Sinon, cette semaine sur la Grande Comore, ce fut aussi des baignades au bord de très belles plages de sable fin avec les cocotiers, des mabawas (cuisses de poulet rôti), un pique-nique au magnifique trou du prophète (n’y voyez rien d’obscène, il s’agit d’un rocher évidemment !), de nombreuses invitations chez les différents expatriés de l’île, citons en vrac, Alban et tite mère Séverine et leurs lessives salvatrices, Florence la prof de sport circassien, le fondant au chocolat de Claude et le sourire généreux de sa douce Carole, Yacinthe un tit clown elle aussi, Jean-Luc le plongeur-chasseur de requin et sa belle malgache Colette, l’anthropologue Marie et ses jugements souvent bien fondés, la très dynamique Françoise (qu’on retrouvera peut-être à la Réunion, inch allah !) et tous les mômes, et tous les autres…

Ce fut aussi l’occasion de rencontrer Nicolas et Colette du Croissant Rouge. Les deux responsables ont été séduits par notre projet et notre aventure. Ils ont également vu en nous un moyen de faire passer les messages qu’ils veulent transmettre à la population. La plupart des locaux savent pertinemment qu’il faut se laver les mains afin d’éviter toute maladie, ou bien dormir sous moustiquaire pour ne pas attraper le paludisme. Mais ils ne le font pas, soit par fainéantise, soit parce qu’ils se croient immunisés de tout, soit parce qu’ils ont l’impression d’étouffer la nuit s’ils protègent leur lit, soit surtout parce qu’ils croient au Destin. Et cette notion de fatalité déresponsabilise chacun de leurs actes. Pas de notion d’effet de cause à conséquence.

Ce n’est pas encore officiel, mais ils nous ont proposé de revenir aux Comores afin de participer à la création d’un spectacle clown pour des comédiens locaux sur chacune de trois îles. Ainsi à notre départ, les messages de la Croix-Rouge continueront à s’émanciper un peu partout…inch’allah.

La suite demain. J'entends déjà les vannes pleuvoir. Mais on a pas encore fini d'écrire le reste.

Les clowns